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Au Centre de culture contemporaine de Barcelone, la banlieue et les racines d’un mythe américain

La maison sur catalogue, la tondeuse à gazon, le réfrigérateur avec distributeur de glaçons intégré, le barbecue, le garage… Comment est née la banlieue américaine ? Comment ces éléments sont-ils devenus des standards ? Comment ont-ils façonné un mode de vie ? Comment ont-ils redéfini les contours du rêve américain ? Et comment ont-ils changé la face du monde ?
Présentée au Centre de culture contemporaine de Barcelone (CCCB) jusqu’au 8 septembre, l’exposition « Suburbia. La construction du rêve américain » fait tournoyer ces questions dans une scénographie ludique qui butine dans tout le champ de la culture, de la littérature à l’architecture, du cinéma au design, de la photographie à l’urbanisme et à l’art contemporain… Embrassant dans un même mouvement la nature proliférante du phénomène, les effets aliénants qu’il produit sur le plan social et l’imaginaire explosif, sans limite, dont il est le carburant, elle donne la mesure de ce sujet dont la trivialité n’est qu’apparente.
Car tout le monde connaît la banlieue américaine. La famille nucléaire, bien blanche, le père qui prend sa voiture pour aller travailler en ville, la mère qui reste seule à la maison après avoir tartiné les sandwichs de beurre de cacahuète pour les enfants… L’image est collée au fond de la rétine de quiconque a grandi près d’une télévision. Cette normalité factice, la tension qu’elle recouvre entre le familier et l’étrange, entre le rêve du foyer chaleureux et le cauchemar de la vie standardisée, ont colonisé les esprits jusque dans les zones les plus reculées de la planète. Ce qui est moins connu, c’est son histoire, les conditions qui l’ont vue s’imposer comme modèle dominant.
Critique littéraire, critique de cinéma, auteur d’une thèse sur Bret Easton Ellis, le commissaire, Philipp Engel, s’appuie sur un vaste corpus d’œuvres, certaines célèbres, d’autres beaucoup moins, pour offrir de son sujet une lecture savoureuse, à la fois panoramique et très personnelle. On reconnaît certaines choses, on en découvre d’autres. On trouve aussi des brèches où glisser ses propres références. L’intérêt de l’exposition tient au vaste spectre qu’elle embrasse, que ce soit historiquement (elle part de la moitié du XIXe siècle pour finir à nos jours) ou culturellement (cinéma, littérature, photographie, télévision, architecture, sociologie, philosophie…), et aux raccords inédits que cela fabrique.
C’est tout le projet du CCCB que de proposer des expositions qui s’adressent au plus grand nombre sans rien céder sur le plan de l’exigence intellectuelle. « La ville en est le sujet, précise Judit Carrera, la directrice de cette institution implantée au cœur du quartier paupérisé du port de Barcelone. La ville en tant que concept central de la modernité. La perception n’est plus la même qu’au moment où le centre s’est créé, il y a trente ans, quand nous étions dans la dynamique des JO de 1992. La ville européenne aujourd’hui concentre toutes les critiques. Il nous revient de la réenchanter. »
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